mardi 20 mai 2025

Apprentissage des mathématiques au collège : niveau général et égalité filles - garçons ; et si c'était [aussi] une affaire de didactique (les programmes)?

Les performances des étudiantes et étudiants marocains lors des concours d'entrée aux grandes écoles d'ingénieurs, dont des signes avant-coureurs ont pu être relevés dès 2019 [1], sont aujourd'hui avérées. On pourra également observer qu'au Maroc, la répartition filles-garçons dans les classes préparatoires aux grandes écoles [2] est plus équilibrée qu'en France.

Pour expliquer ces performances ainsi que la répartition filles-garçons, on peut identifier plusieurs pistes, qui sont d'ailleurs avancées dans des discussions sur le réseau social professionnel Linkedin en réaction d'articles de presse postés sur le réseau [3]. 

Pour notre part, nous avons le sentiment que la didactique (les programmes) en enseignement des mathématiques au collège et au lycée pourrait être une piste intéressante.

 

Lors du barbecue organisé en 2019 sur le campus de l’École polytechnique par l'association des alumni (AX) pour accueillir les élèves-ingénieur.e.s internationaux (EIX) [a], nous félicitions un jeune camarade issu de Lydex (lycée d'excellence de Benguérir) sur la performance des étudiants marocains aux concours d'entrée aux grandes écoles d'ingénieurs.

Je l'engageais sur les raisons de cette performance et lui montrais alors quelques modules pédagogiques réalisés dans le cadre d'un projet d'égalité des chances en apprentissage des mathématiques au collège, dont l'un est inspiré d'un exercice du Kangourou des collèges 1998 [b].

Il nous répondit d'un air entendu : "[Au collège et au lycée], on étudie sur les manuels que tu as toi-même utilisés quand tu y étais " (nldr. 1969- 1976)

[a] International Ecole Polytechnique students from Vietnam, EIX 2019, X-Diversité, [sep 2019]

[b] Aire d'un triangle : exercice N°2, Le sens et le goût des maths au collège [avr 2014] 


 

Si cette piste est implicite dans le rapport Villani-Torossian, elle a été évoquée par Cédric Villani qui, lors d'une conférence à Polytechnique déplorait la baisse de niveau continue depuis plusieurs dizaines d'années [4].

Pour apprécier directement cette baisse, on pourra comparer le programme de mathématiques de 3e de 1973 [5a][5b] et celui de 2020 [5c].




 

Et si le niveau général de mathématiques en France, ainsi que le déséquilibre filles-garçons face aux mathématiques, prenait sa source dans les programmes de mathématiques au collège  ? 

 

[1] Diversité sociale dans les études supérieures : la piste marocaine, X-Diversité, [août 2019]

[2] Éducation et égalité des genres : Meilleures en lecture, les filles au Maroc égalent les garçons en maths A. Channaje, L'Opinion, 29 Avril 2022

  https://www.cpge.ma/

[3] Repost sur Linkedin  

[4] Niveau en mathématiques en France, selon le Bac 2023, Le sens et le goût des maths au collège [mars 2023]

[5a] Programme de 4e et de 3e,  Bulletin de l'APMEP n°279 - Mai/Juin 1971

[5b] Programme de 3e, conservé par le site les-mathématiques.net

[5c] Programme de mathématiques cycle 4 en vigueur à la rentrée 2020, eduscol.education.fr

 

Mise à jour 

Pour éclairer la baisse de niveau scolaire en mathématiques, le Haut commissariat à la stratégie et au plan évoque cinq séries de "jeux d'hypothèses" : 

  1. "les caractéristiques des élèves eux-mêmes et de leur environnement familial.
  2. les caractéristiques des enseignants (....)profil (...) recrutement (...) formation 
  3. ce que [les enseignants] font en classe (...)  (pratiques pédagogiques constructivistes versus enseignement explicite, méthode globale versus décodage syllabique, etc.)
  4. la définition des programmes
  5. l’organisation du système scolaire (...) rythmes scolaires (...) taux d’encadrement (...) autonomie des établissements (...) culture de l’évaluation."

"La quatrième série d’hypothèses [de cette baisse de niveau scolaire en mathématiques] a trait aux programmes scolaires, qui constituent une donnée exogène à la fois pour les élèves et pour les enseignants. 

Les programmes français pourraient ne pas être adaptés, et souffrir d’une trop grande instabilité et d’attendus peu clairs. 

Le niveau d’exigence des programmes pourrait également avoir diminué à niveau scolaire donné, les apprentissages fondamentaux (lire, écrire, compter) étant abordés trop tardivement ou bénéficiant de volumes insuffisants sur la durée des parcours. "


Niveau scolaire : faut-il s’inquiéter ? La note d'analyse, Haut commissariat à la stratégie et au plan, Pierre-Yves Cusset, N°155, juin 2025